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Le gouvernement veut délaisser les énergies renouvelables électriques au profit du nucléaire

Dans son avant-projet de loi, le gouvernement compte supprimer les objectifs chiffrés de développement des énergies renouvelables électriques qui existaient jusqu’ici dans le code de l’énergie, pour mieux consacrer le tout-nucléaire.
La centrale nucléaire de Golfech dans le Tarn-et-Garonne, en décembre. (Jean-Marc Barrere/Hans Lucas. AFP)
publié le 6 janvier 2024 à 17h25
(mis à jour le 7 janvier 2024 à 15h04)

C’est une petite bombe qui confirme l’amour inconditionnel que porte l’exécutif au nucléaire, devenu l’alpha et l’oméga de la politique énergétique française. Dans l’avant-projet de loi «relatif à la souveraineté énergétique» soumis ces derniers jours au Conseil national de la transition écologique (CNTE) et au Conseil économique social et environnemental (Cese), le gouvernement supprime tout objectif chiffré de développement des énergies renouvelables électriques (solaire photovoltaïque et éolien en particulier).

L’article 1er de ce texte prévoit en effet de supprimer au sein du code de l’énergie les objectifs chiffrés actuels de développement de la production et de la consommation d’énergies renouvelables électriques en métropole. Ce même article consacre en revanche le «choix durable du recours à l’énergie nucléaire» pour produire de l’électricité.

Gaz à effet de serre : de «réduire» à «tendre vers une réduction»

Sans doute peu confiant dans la capacité de l’atome à diminuer la dépendance du pays aux hydrocarbures, l’exécutif affaiblit aussi l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre inscrit dans le code de l’énergie : il ne s’agirait désormais plus de «réduire» mais de «tendre vers une réduction de» ces émissions. Soit une vague obligation de moyens et non de résultats.

A la veille des élections européennes de juin 2024, le gouvernement souhaite ainsi certainement imposer sa vision d’une «électricité décarbonée» majoritairement constituée de nucléaire, en lieu et place de l’objectif d’une «électricité renouvelable» défendu jusqu’ici par l’Union européenne. Un mantra pronucléaire sans cesse répété par Emmanuel Macron et ses ministres, du discours de Belfort de février 2022 à la COP28 de Dubaï fin décembre 2023. Et désormais pleinement assumé, du moins dans cet avant-projet de loi.

Le discours politique à propos de ce texte, lui, est différent et n’assume pas vraiment. «La position favorable à l’accélération des énergies renouvelables du gouvernement est sans ambiguïté. La première loi consacrée à l’énergie était précisément sur cet objet. Et les résultats sont là puisque la production de solaire et d’éolien a largement crû en un an», a écrit à Libération le cabinet de la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, en réaction à la publication de notre article. Et de citer des chiffres de RTE, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité, selon lesquels «à la fin novembre 2023, la meilleure disponibilité du parc nucléaire a permis de produire 15 % d’énergie nucléaire de plus sur onze mois en 2023, par rapport à la même période 2022. De même, la production d’énergie éolienne a crû de 30 % et celle du solaire de 15 %». Cela ne sera sans doute pas suffisant pour que la France rattrape son retard important en matière d’énergies renouvelables, encore pointé par la Commission européenne le 18 décembre.

Présentation en Conseil des ministres «fin janvier-début février»

Par ailleurs, la loi du 10 mars 2023 mise en avant par le cabinet de la ministre, dite APER («accélération de la production d’énergies renouvelables») a modifié les procédures d’autorisation de projets d’énergies renouvelables, mais ne comporte pas d’objectifs chiffrés de développement de ces énergies. C’était l’objet d’une autre loi, que le gouvernement aurait dû faire voter avant le 1er juillet et qui est donc présentée en retard ce début janvier, sous le nom de «loi relative à la souveraineté énergétique».

Dimanche matin, dans un entretien à la Tribune dimanche, la ministre a consacré l’essentiel de ses propos à l’atome, expliquant qu’il «faut du nucléaire au-delà des six premiers EPR, puisque le parc historique ne sera pas éternel» et que, dans l’avant-projet de loi, «il s’agit d’engager, après 2026, «des constructions supplémentaires représentant 13 gigawatts». Ce qui correspond bien à la puissance de huit EPR».

Le texte, ajoute-t-elle, «rompt avec la précédente loi de programmation, qui réduisait à 50 % la part du nucléaire dans le mix électrique d’ici à 2025». La ministre n’exclut pas d’aller encore plus loin, qualifiant de «bon objet de discussion avec les parlementaires» un objectif au-delà de quatorze EPR.

L’idée est donc bien de faire la part belle au nucléaire, avec des objectifs chiffrés précis. Pourquoi ne pas faire de même avec les énergies renouvelables ? Etrangement, si pour le gouvernement l’objectif sur le nucléaire doit figurer dans la loi, il n’en va pas de même pour celui sur les renouvelables. Interrogée par nos confrères sur l’absence d’objectif précis dans ce texte sur la part des renouvelables d’ici à 2030, la ministre se contente de répondre évasivement qu’il «faut massifier le solaire et l’éolien».

Actuellement en consultation (au CNTE et au Cese, entre autres), le texte de l’avant-projet de loi relatif à la souveraineté énergétique peut encore évoluer d’ici à sa présentation en Conseil des ministres, qui doit avoir lieu «fin janvier-début février», selon le cabinet de la ministre. Puis lors de son examen par le Parlement, dont les dates ne sont pas encore fixées.

Mise à jour le 7 janvier 2024 à 15h03 avec davantage d’éléments

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